Cette année,
après le soixantième
anniversaire de la libération des
camps, la ville de Metz a rendu un hommage
particulier aux déportés
lors de la Journée du souvenir de
la Déportation. Plusieurs
cérémonies se sont
déroulées à travers
la ville, à la nécropole de
Chambière, à la
Cathédrale, au Temple Neuf,
à la Mairie et au Mémorial
de Queuleu. Contrairement à Paris
ou à d'autres grandes villes de
province, les associations LGBT n'ont pas
été autorisées
à participer aux
cérémonies. Au
mémorial de Queuleu , élus,
personnalités civiles et militaires
ont rendu hommage aux victimes de la
Déportation mais à aucun
moment les discours officiels n'ont
cité les personnes
déportées en raison de leur
homosexualité. Pour la
septième année
consécutive, l'Association Couleurs
Gaies avait tenu à être
présente, mais elle n'a pu se
recueillir qu'à l'issue de la
cérémonie officielle.
Stéphane
Aurousseau, Président de
l'association LGBT Couleurs Gaies revient
sur cette cérémonie et
répond aux questions de Lorraine
Gay.
Questions à
Stéphane Aurousseau,
Président de l'association Couleurs
Gaies
Comment s'est
déroulée la
cérémonie 2005 à Metz
?
Vingt personnes exactement
se sont mobilisées à Metz
pour la cérémonie à
la mémoire des
déportés pour
homosexualité, la 7e que Couleurs
Gaies organise depuis sa création
en 1999. Habillés en noir et
arborant un triangle rose sur leur veste,
les militants de l'association, sagement
alignés, ont regardé passer
devant eux le cortège officiel qui
se rendait au mémorial
départemental, situé au fort
de Queuleu à Metz. Ils ont attendu
la fin de la cérémonie et le
passage dans le sens inverse du
cortège officiel pour se rendre
devant le mémorial et y
déposer une gerbe à la
mémoire de tous les
déportés. Notre
dépôt était
précédé de la lecture
d'un discours mentionnant tous les motifs
de déportation, contrairement aux
discours de la cérémonie
officielle (dont celui du ministre
délégué aux Anciens
Combattants qui n'a cité que les
résistants politiques, les juifs et
les tziganes). Nous ont accompagnés
pendant cette cérémonie :
Madame Christiane Pallez
(conseillère générale
PS), Monsieur Pierre Bertinotti
(conseiller municipal PS), le
président de la Ligue des Droits de
l'Homme de Metz ainsi qu'une
représentante des services
départementaux de l'ONAC (Office
National des Anciens Combattants),
accompagnée des deux
lycéennes lauréates du
concours départemental de la
résistance et de la
déportation.
Quelles sont vos
revendications sur ce sujet ?
Nous demandons depuis sept
ans que les discours prononcés lors
des cérémonies de la
Journée nationale du souvenir des
victimes et des héros de la
déportation citent les motifs de
déportation, et cela pour deux
raisons : pour rendre justice aux
déportés pour
homosexualité qui ont dû se
taire à la fin de la guerre et pour
que ces cérémonies
transmettent une mémoire
fidèle à la
réalité historique.
Quelles sont les
réponses officielles que votre
association a reçues de la
préfecture sur ces revendications
?
En concertation avec la
Fédération française
des Centres Gais et Lesbiens, Couleurs
Gaies a participé à une
campagne nationale d'interpellation de
tous les protagonistes qui jouent un
rôle dans ces
cérémonies. Nous avons
envoyé des lettres aux
parlementaires mosellans, aux services
départementaux de l'ONAC, à
la préfecture de la Moselle et
à la FNDIRP - Moselle
(Fédération Nationale des
Déportés, Internés,
Résistants et Patriotes). Aucun
parlementaire n'a répondu, la
préfecture a botté en
touche, les services départementaux
de l'ONAC ont fini par nous remettre,
conformément aux engagements pris
par leur instance nationale auprès
de la Fédération des CGL,
une invitation officielle la veille de la
cérémonie. Cette invitation
n'a eu aucune conséquence sur le
traitement de notre association par les
autorités.
Quels sont vos rapports
avec les associations d'anciens
combattants ou d'anciens
déportés de Metz ?
Aucun rapport : le
président de la FNDIRP - Moselle ne
souhaite pas nous rencontrer. Il a
donné comme réponse à
notre courrier la position de son instance
nationale, qui consiste à dire que
les cérémonies officielles
englobent toutes les victimes de la
déportation sans qu'il soit besoin
de citer les raisons pour lesquelles elles
ont été
déportées. C'est une
façon habile de gommer de
l'histoire les minorités qui n'ont
pas bonne réputation. Heureusement,
tous les anciens déportés ne
cautionnent pas cette position. Cette
année, comme les années
précédentes, certains sont
venus nous saluer.
L'un d'entre eux a même pris le
temps de nous raconter le souvenir d'une
pendaison d'un jeune homosexuel au
Struthof. Ce témoignage a
été filmé par un
vidéaste amateur sympathisant de
Couleurs Gaies.