Metz
défend la France.
Affaiblie par les guerres, la peste et la famine, Metz, maintenant
française, doit se fortifier pour défendre sa nouvelle patrie des
invasions de l'Est. Elle est dotée d'un nouveau rempart par un disciple
de Vauban. Les troupes françaises sont de plus en plus nombreuses en
ville et la tradition veut qu'elles soient logées chez l'habitant, ce
qui n'est pas sans poser des problèmes de promiscuité.
Aussi
en 1726, l'Evêque de Metz, Henri
du Cambout de Coislin
construit, à ses frais, la
première caserne de la ville sur la grande place du Moyen Age, le
Champ-à-Seille. Ainsi, les hommes resteront entre eux. Le quartier
gardera d'ailleurs son nom jusqu'à aujourd'hui. Mais cet évêque fera
aussi parler de lui à l'époque à travers un
procès qui fit scandale. Des
rumeurs courent sur
son homosexualité à travers toute la ville, lorsqu'il est accusé d'un
crime encore plus grave puisque commis avec violence sur un enfant de
ch½ur de la cathédrale, qui se serait plaint auprès de son père.
L'affaire est montée en épingle et arrive jusqu'aux oreilles du roi
Louis XIV qui doit faire intervenir son ministre Chamillart pour
étouffer l'affaire et arrêter le procès qui n'aboutira jamais. Les
registres du chapitre de la cathédrale seront purgés de tous les
documents compromettants. Henri du Cambout de Coislin ne laissera à
Metz que l'image d'un bienfaiteur, ce qu'il fut d'ailleurs. Ce sont les
archives du Royaume à Paris qui révéleront l'histoire quelques siècles
plus tard. L'amalgame entre homosexualité et pédophilie est un procédé
vieux comme le monde, il permet de mieux discréditer l'homosexualité en
la présentant comme un danger pour la jeunesse et permet d'alourdir la
condamnation des homosexuels. Ce brave évêque n'a peut-être été que la
victime des machinations de ses ennemis et de la rumeur publique qui
lui reprochait son homosexualité ? Peut-être était-il vraiment
pédophile ? Personne ne le saura jamais.
Quoi qu'il en soit, la
démonstration était faite une fois encore, que l'homosexualité ne
pouvait pas inquiéter les puissants, et que le peuple ne pouvait y
goûter sans courir des peines sévères. Néanmoins, les bûchers se font
plus rares au XVIIIe siècle et les
sodomites ne sont plus systématiquement grillés en place publique. On
se contente de les mettre au cachot ou de les expulser de la ville.
Pourtant, à l'image des
grands ports maritimes, Metz passe à cette époque pour une ville
assez "débauchée" par
rapport au reste du
royaume de France. La grande concentration de militaires sans femme y
est certainement pour beaucoup. Un garçon tailleur messin arrêté à
Paris en 1738 pour homosexualité, Jean-Nicolas Ségard, décrira sa ville
de Metz comme "une seconde Rome pour mépriser les femmes et aimer
à se divertir entre hommes".
Avec la Révolution puis le
nouveau code pénal de 1791, l'homosexualité
n'est plus un délit en
France. La religion ne
peut plus entraîner les condamnations pour sodomie, ni même pour
blasphèmes ou sacrilèges. La France devient un des premiers états
tolérants d'Europe et la fin du monde annoncée par les prédicateurs en
soutane n'arrive pas pour autant. Mais il faudra encore quelques
siècles pour que les mentalités évoluent vraiment...