Lorraine Gay

 


 

(2/3)

Jean-Luc : Souvenir de drague à Metz dans les années 80

 

Des souvenirs précis d'homophobie?

La grande majorité de la société était hostile aux homos. Il valait mieux vivre caché, surtout en province. Mais le pire, c'était les agressions. Il y en avait sans arrêt au Saulcy. Des bandes de jeunes cons s'arrogeaient le droit de chasser les pédés, souvent juste pour leur faire peur et semer la panique sur les lieux de drague. Leur totale impunité et le silence des homos leur donnaient du courage. Mais le pire, c'était les vrais voyous : Rien de plus facile que de braquer un mec dans un taillis sombre, loin de tout. En plus il y avait peu de chance que le mec porte plainte. Alors on en profitait pour le voler et accessoirement, on lui cassait la gueule pour lui enlever toute tentation de porter plainte. Presque tous mes copains de l'époque ont été confrontés à ce problème. Moi-même, j'ai été agressé plusieurs fois dont une fois très sérieusement Six mecs me sont tombés dessus en me traitant de PD, tantouse, salope et autres noms d'oiseaux. Ils m'ont boxé jusqu'à ce que je perde connaissance. Je me suis réveillé quelques heures plus tard, dans une marre de sang, avec quatre incisives de moins dans la bouche, un oeil que j'ai failli perdre, une clavicule cassée et des côtes défoncées. Evidemment, mes poches avaient été vidées. J'ai porté plainte. En vain, car non seulement ils n'ont jamais été arrêtés par la police, mais en plus c'est moi qui suis passé pour le fautif. Aux yeux de la police de l'époque, c'est moi qui étais coupable de traîner dans cet endroit, coupable d'être homo, coupable de vouloir pervertir notre jeunesse, coupable de m'être fait casser la gueule. C'est moi qui ait subi un interrogatoire, qui ait été fiché comme homosexuel notoire et à qui l'on a fait promettre de ne plus jamais remettre les pieds au Saulcy. Bref tout ce qui m'arrivait était bien fait pour moi, je l'avais cherché. Je vous passe aussi les commentaires méprisants d'un des agents qui conseillait ses collègues d'arrêter de perdre leur temps avec cette histoire de pédé. Des histoires comme celle-là, il y en a eu malheureusement beaucoup. Et encore, je pouvais m'estimer heureux car il y eut très souvent des meurtres au Saulcy. Soit des tabassages qui avaient mal tourné soit de vrais meurtres à coup de poignard.


page précédente

Retour sommaire Dossiers

page suivante

page précédente

page suivante