Et les médias n'en
parlaient pas ?
Quels médias ? Le
seul magazine gay de l'époque
c'était Gai Pied. Il aurait fallu
qu'il fasse 500 pages pour parler de
toutes les agressions en France. Quant au
quotidien régional c'était
silence total. Il pouvait faire une
colonne sur un chat écrasé
mais jamais un mot sur les homos
tabassés. Quant aux meurtres,
c'était généralement
quelques lignes du genre : "On a
retrouvé un jeune marginal
égorgé hier soir dans un
lieu interlope de Metz. La piste s'oriente
vers ses fréquentations peu
recommandables." Le mot homophobie
n'existait même pas. A cette
époque, j'ai vraiment compris ce
qui était arrivé aux juifs
pendant la guerre. Comment des millions de
personnes se sont fait mener docilement
à l'abattoir dans
l'indifférence
générale, avec la
complicité des médias et des
leaders d'opinion. Sans comparer le sort
des homos et la tragédie des juifs,
j'ai simplement compris comment une
société peut laminer les
différences, culpabiliser les
minorités, et glorifier les
lâches.
Quelle différence
avec aujourd'hui ?
Les agressions existent
toujours, mais je pense qu'elles sont
moins nombreuses. En tout cas, aujourd'hui
on en parle. Les homos les premiers, ils
n'hésitent plus à porter
plainte. Les associations gay font un bon
travail en dénonçant les cas
qui leur sont rapportés. La presse
commence peu à peu à en
parler à travers quelques cas
qu'elle médiatise. On arrête
enfin les casseurs de pédé,
on les juge et on les enferme. Mais il
reste encore beaucoup de travail à
faire pour éradiquer ce
fléau social qu'est l'homophobie.
C'est pourquoi je pense qu'il est
nécessaire que nos politiques
reconnaissent enfin l'insulte homophobe,
qui est encore la porte ouverte à
toutes les exactions. L'impunité et
l'indifférence face à
l'insulte homophobe incite de jeunes
esprits faibles à passer à
l'acte.
Et la drague aujourd'hui
?
Ça fait très
longtemps que je ne drague plus dans les
sous-bois. Je préfère
fréquenter les back room à
Paris ou à Sarrebruck ou les saunas
gay de la région. Ces lieux sont
plus sécurisés que les aires
d'autoroute ou les parcs. Malheureusement,
ils sont seulement tolérés
par les autorités et si demain un
pouvoir réactionnaire
décidait de les fermer, nous
serions condamnés à
retrouver nos parcs et nos
pissotières.