LES
BARS - LES DISCOTHEQUES.
Le parcours des soirées gay messines du début des années 80, commence
dans un petit bar réservé exclusivement aux hommes : "Le Sporting".
Olivier a ouvert son établissement place des Paraiges, à 100 mètres de
la boîte gay le Bizzaroïde.
Le Sporting, à l'origine un café ordinaire, n'ouvre que le soir. C'est
un endroit convivial avec un grand comptoir qui facilite les
discussions et les rencontres. Il sera repris par un couple de garçons,
dont l'un était instituteur le jour, qui lui adjoindront une petite
piste de danse dans la pièce annexe, mais il fermera avant la fin des
années 80.
La
boite gay des années 70, le Bizarroïde (cf années 70), va
faire des émules. Bernard et Serge acquièrent en
1979 un ancien restaurant sur les bords de la Moselle à
Moulin-les-Metz, à deux pas de Moulin-Plage (la plage des années 20 et
30).
Ils y ouvrent la discothèque "Le
Privé".
Le DJ du Bizarroïde, Pascal, ainsi qu'Anna les rejoignent. Cette petite
équipe, débordant d'imagination, embrasera les nuits messines. Le
samedi soir, l'immense parking du Privé accueille autant de voitures de
Nancy, ou du Luxembourg que de Metz et de toute la région environnante.
La clientèle est mixte, bien que l'ambiance de l'établissement ne
laisse aucun doute sur son orientation gay. Bernard
et Serge ouvrent
même un certain temps un bar en annexe, appelé "Les Centurions"
(1985), et réservé exclusivement aux garçons. Le
décor de laque rouge
et miroirs du Privé est soigné, les jeux de lumières, avec laser,
sophistiqués
et la sono puissante et de très bonne qualité. Des années plus tard,
les fidèles de cet établissement estimeront que Metz n'aura jamais plus
une discothèque de ce niveau.
Serge ouvrira aussi une grande boite au Centre Saint Jacques, "l'Escurial", mais
il n'obtiendra jamais de licence 4 et l'expérience va tourner court.
Très vite, le Privé prend le pas sur "le Bizarroïde", qui
changera plusieurs fois de nom pour s'appeler "Le New Biz" (1982),
"Le 7" (1983),
puis "L'Ambigu".
Le "1 rue des Murs" ne connaît plus le succès des années 70 et finit
par fermer définitivement au milieu des années 80.
Lorsque l'Ambigu va
fermer, une autre boite va ouvrir à deux pas durant quelques semaines
en
Fournirue, dans le sous-sol de la maison des têtes : "Le Phénomène".
C'est à cette
époque, qu'une autre boîte fait discrètement son
ouverture. Elle est située dans le quartier Outre-Seille en lieu et
place de l'ancien bar américain le Scotch, dont l'enseigne reste en
place, rue Vigne-Saint-Avold. L'entrée à 30 F, avec une boisson,
alimente rapidement le bouche à oreille. "Le Colony",
d'abord fréquenté majoritairement par les lesbiennes, après quelques
mésaventures, est très vite
réservé uniquement aux garçons. Cette boîte a la particularité d'être
une affaire de famille : Le père, dit "Papy", tient l'entrée. Avec son
accent de l'Europe de l'Est, il est parfois difficile de le comprendre,
pourtant il ne laisse entrer personne sans avoir préalablement discuté
quelques minutes dans le sas d'entrée, que l'on soit un habitué de
longue date ou un petit nouveau. Ce n'est qu'après cette formalité
obligatoire que la seconde porte s'ouvre. Carole,
sa femme, officie derrière le magnifique comptoir en bois exotique.
La déco de l'établissement avait été conçue à l'origine par Dédé Amar,
le créateur du Kilt, la première boite de Metz dans les années 60, dont
le bois exotique recouvrait aussi les murs. Jacques, le fils,
est
aux platines. La programmation musicale est moins "raffinée" qu'au
Privé, tous les tubes funky, disco, dance de l'époque s'enchaînent dans
une ambiance plus provinciale. Il arrive encore parfois que Jacques
intercale une session slow, comme dans les boites hétéros. Quelques
messieurs d'un certain âge, qui n'habitent pas forcément dans un très
vieil appartement, en profitent pour goûter aux plaisirs démodés de
danser joue contre joue. Car la clientèle, bien qu'exclusivement
masculine, est très mélangée. Des jeunes, des vieux, des folles, des
cuirs et moustache, des étudiants proprets, des campagnards de la
lorraine profonde, des immigrés du bassin houiller... La boite se veut
démocratique. Toutes les consommations sont au même prix et servies
uniquement au verre. Ici, on déteste le frimeur qui a sa bouteille.
Impossible de commander une bouteille de champagne ou d'avoir sa
bouteille de J&B à son nom. Le Colony refuse également de
servir du
Pastis. Après tout, si on défend aux bourgeois de boire du champagne,
l'équité veut qu'on interdise aux ouvriers le pastis... Pendant une
dizaine d'années le Colony sera "la" boite gay de Metz, car beaucoup de
garçons n'aiment pas se retrouver dans les ambiances mixtes des autres
établissements. On ne compte pas le nombre de couples qui se sont
constitués ici.
Durant quelques années, une
autre boîte gay ouvrira à
Metz, dans le quartier résidentiel de
Queuleu, "le Whisky Club",
se transforme en "WAF"
puis en "Boy".
Cette boite propose chaque semaine un spectacle de transformistes. Elle
aura du mal à fidéliser une clientèle en raison de la concurrence
nombreuse à l'époque.
En 1989, une des figures de la nuit nancéienne va ouvrir à Metz une
nouvelle discothèque gay : "le
Club".
Le Club s'installe au 20 rue aux ours à la place d'une boite hétéro en
perte de vitesse. "Le Club" sera la boite la plus populaire des années
90 sous des noms différents.
LES
RESTAURANTS.
Dans la rue Vigne Saint-Avold, la
clientèle du Colony se retrouve volontiers en début de soirée au
restaurant "L'Attrappe
Coeur"
où Gilles accueille ses clients parfois jusque très tard dans la nuit.
Ce restaurant a lui-même succédé à un restaurant tenu par deux femmes
et déjà fréquenté par les homos et lesbiennes, "L'Andalousia".
La pizzeria d'en face bénéficiera aussi du trop plein de clients gay
qui fréquentent la rue et n'hésitera pas à communiquer dans les guides
gay de l'époque, par pur opportunisme.
Ce quartier, à la lisière d'Outre-Seille et de Sainte Croix, aurait pu
devenir le quartier gay de Metz avec ses bars, boîtes et restaurants.
La deuxième moitié des années 80 est marquée par une plus grande
tolérance vis-à-vis de l'homosexualité et par une plus grande mixité
des établissements.
A
Paris, le quartier du Marais prend sérieusement
le pas sur la rue Ste Anne. A Metz, "L'EclipseCoffee-Shop",
ouvert en 1986, rue des Jardins, par Jean-Marc et Philippe, réussit ce
mélange de
clientèle homo et hétéro. L'établissement est inclassable, car il fait
restaurant le midi, salon-de-thé l'après-midi, et bar restaurant le
soir, mais on peut aussi manger ou boire à toute heure, de 12h à 24h et
parfois jusqu'à 3h. Comme les coffee-shops hollandais, dont il s'est
inspiré (certaines substances en moins), l'Eclipse propose toute une
carte de cocktails et de jus de fruits pressés en salle, des
club-sandwichs, des salades, des pâtisseries maison. Les murs reçoivent
des expositions et des concerts sont organisés régulièrement. C'est
aussi le premier établissement à proposer à Metz des clips vidéo en
boucles sur des écrans muraux. Les chaînes musicales n'existant pas
encore en France, les clips étaient extraits de MTV ou de Sky Channel.
La clientèle très féminine le midi, devenait lycéenne et
étudiante
l'après-midi et majoritairement gay le soir. De nombreuses soirées à
thème étaient organisées et le délire souvent au rendez-vous. L'Eclipse
fermera en 1988 non sans avoir fait une dernière fête mémorable.
Si les gays et les lesbiennes peuvent se croiser au restaurant
Andalousia, puis à l'Eclipse et dans les premiers mois au Colony, il y
a peu d'établissement réservés aux filles dans les années 80. Les
lesbiennes aiment
néanmoins se retrouver discrètement dans un salon de thé au 3 bis quai
Félix Maréchal, "les
Amandines" même si l'établissement ne tient pas à être
répertorié dans les guides homos.
LIEUX
DE RENCONTRES EN EXTERIEUR.
Coté lieux de drague, si le quartier Bon-Secours a la faveur des
prostitués travestis, c'est l'Ile du Saulcy qui tient le haut du pavé.
Beaucoup de monde, de toute la région, à pied ou en voiture, se
bouscule sur cette île entre les deux bras de la Moselle. Il faut dire
que ce site est exceptionnel : Un cadre magnifique en Centre-ville,
beaucoup de bosquets et de petits bois accueillants, la présence des
facs, de la cité universitaire et de ses étudiants, et un véritable
parcours pour les amateurs de drague à pied, en vélo ou en voiture.
Les tasses connaissent encore un peu d'affluence dans les années 80
avant d'être remplacées par des sanisettes. Le Passage du Sablon, la
Gare, la place Mazelle, la place de la Comédie, Bon Secours ont gardé
leurs édicules... et édicule rime toujours avec partie de ... jambe en
l'air.
A la fin des années 80, les homos messins disposent de 6 établissements
gay à Metz, de plusieurs lieux de drague, et à moins de 45 mn du
centre-ville, d'une quinzaine de boîtes allemandes, luxembourgeoises ou
nancéiennes.