Analyse
Le "socialement
correct"
Cet éditorialiste
estime qu'on ferait mieux de
dénoncer la misère, le
chômage, les plans sociaux, le
surendettement, l'exclusion. Oui, bien
sûr, il s'agit de maux de notre
société. Mais quel rapport
avec l'homophobie et les homosexuels ? Les
homos ne sont-ils pas concernés
aussi par ces problèmes ? En
sont-ils les responsables ? Il ne s'agit
là que d'un procédé
vieux comme le monde : on accumule une
liste d'évidences pour mieux
crédibiliser sa
démonstration.
L'homophobie est une
vilaine manière.
C'est presque amusant de
constater que les gens qui vivent dans
leur tour d'ivoire et qui n'ont jamais
été confrontés
à la réalité de la
vie sont sourds et aveugles au monde qui
les entoure. "Le peuple n'a pas de pain ?
Qu'il mange de la brioche !",
"L'homophobie ? Une vilaine manière
!".
Que cet éditorialiste sacrifie une
demi-journée de sa vie à
tendre son oreille dans les cours de
récréation ou dans les
quartiers de banlieue, et il pourra
constater qu'on ne fait pas qu'y raconter
des histoires belges ou de
pédés.
C'est au nom de cette vilaine
manière que les nazis ont
envoyé des milliers d'homos dans
des camps où ils ont
été torturés,
castrés et assassinés. C'est
au nom de cette vilaine manière que
l'Europe libérée a
totalement occulté cette
réalité historique et a
méprisé la mémoire
des gays tués par le nazisme et que
les quelques rescapés des camps ont
subi une deuxième humiliation,
celle de se taire et de se faire oublier.
C'est au nom de cette vilaine
manière que des faibles d'esprit
insultent, agressent et assassinent des
gays. C'est au nom de cette vilaine
manière qu'un nancéen a
récemment été
jeté dans le canal où on l'a
laissé se noyer. C'est au nom de
cette vilaine manière qu'on a
immolé par le feu un homme dont le
seul crime était de vivre heureux
et en couple avec son compagnon.
Quand on connaît
cette réalité, on ne peut
pas employer des telles expressions. Il
est temps que des journalistes qui ont une
quelconque influence sur l'opinion
publique ouvrent leurs yeux et fassent
leur métier au lieu de
répéter pour la
millième fois les discours
éculés.
Enfin que cet éditorialiste se
rassure, ce n'est pas une loi qui
sanctionne les insultes homophobes qui
supprimera les blagues de comptoir sur les
pédés. Cette loi ne changera
pas la nature profonde des mâles qui
ne peuvent se rassurer sur leur
virilité qu'en se moquant des homos
ou des femmes. Non. Cette loi doit
simplement cesser de légitimer les
insultes qui poussent aux agressions qui
poussent aux meurtres.