Réaction de l'Inter
Centre LGBT
Alliance des Centres
lesbiens, gais, bi & trans de France
et de leurs Membres associés
Communiqué de presse
IC/2004/02
L'HOMOPHOBIE N'EST PAS UNE
HISTOIRE BELGE
L'INTER CENTRES LGBT,
Alliance des Centres lesbiens, gais, bi
& trans de France et de leurs Membres
associés, s'indigne du
parallèle établi par
Monsieur Pierre Fréhel (dans le
Républicain lorrain du 14
février 2004) entre les
« histoires belges »
et l'expression de la haine
homophobe.
Aucun Belge n'a
été brûlé vif
ou ne s'est suicidé suite à
une histoire belge. Chaque jour en
revanche, des personnes lesbiennes, gaies,
bi ou trans (LGBT) se suicident ou sont
agressées à cause de la
haine homophobe.
L'homophobie n'est
pas une « vilaine
manière ». Les meurtres
et les agressions homophobes non plus. Les
propos homophobes légitiment ces
passages à l'acte.
Monsieur Pierre
Fréhel se plaint que la libre
expression de « l'homophobie
ordinaire » soit menacée.
Souhaite-t-il aussi la suppression des
législations contre le racisme et
l'antisémitisme ?
Monsieur Pierre
Fréhel dénonce une nouvelle
« Inquisition » qui
enverrait les homophobes au bûcher.
Le 16 janvier dernier, c'est
Sébastien Nouchet qui a
été brûlé vif
au troisième degré.
Entre brûleurs
et brûlés, Monsieur Pierre
Fréhel a choisi son camp.
Analyse Lorraine Gay
Le "politiquement
correct".
Comment ne pas être
contre ce qu'on appelle "le politiquement
correct" ou la pensée unique ?
C'est au nom du politiquement correct que
durant des dizaines d'années les
homosexuels ont été
condamnés à se taire et
à se terrer comme des
pestiférés. Les
médias, les hommes politiques, les
leaders d'opinion, les religions et
l'opinion publique elle-même, ont
toujours considéré qu'on ne
pouvait être
qu'hétérosexuel par
défaut. L'homosexualité ne
pouvait être que honteuse et
cachée. La loi n'y faisait allusion
que pour la condamner, les médias
faisaient pire que de la combattre, ils la
ridiculisaient, la singeaient ou au mieux
l'ignoraient totalement. Et
évidemment la société
dans son ensemble suivait cette
pensée unique. Pour le commun des
mortels, l'homosexualité
n'était qu'une maladie mentale ou
au mieux une perversion. Oui,
l'éditorialiste du
Républicain Lorrain a raison, il
faut combattre le politiquement correct,
il faut lutter contre la pensée
unique et le "prêt à penser"
qu'on impose aux citoyens. Il est plus que
temps que les médias soient plus
corrosifs, décalés,
originaux. Il est plus que temps que les
diverses sexualités et surtout les
divers modes de vie puissent s'exprimer.
Il est plus que temps que le
Républicain Lorrain cesse d'ignorer
totalement l'existence d'homosexuels en
Lorraine en se faisant le porte-parole de
la majorité bien pensante et
vieillissante de ses lecteurs. Combien
d'articles ce journal a-il consacré
à l'homosexualité depuis le
début de son existence ? Combien de
fois a-t-il glorifié le couple
hétérosexuel en ignorant
totalement que le mot couple peut aussi
s'appliquer aux homosexuels ? Combien de
fois a-il dénoncé les
agressions homophobes que les gays de la
région ont subi depuis des dizaines
d'années sur les lieux de drague ?
Combien de fois a-t-il parlé des
meurtres homophobes de la région
depuis ces 50 dernières
années ? Que cet
éditorialiste se rassure, la
pensée unique est encore loin
d'être du côté qu'il
imagine. Et si l'homosexualité
commence un petit peu à être
visible dans notre société,
cette visibilité est encore
largement inférieure à la
proportion que représentent les
homosexuels dans la population. Si les
homosexuels commencent timidement à
goûter à la liberté
d'expression, il est légitime
qu'ils veuillent protéger cette
liberté récente et fragile
en réclamant des lois qui leur
donnent les mêmes droits qu'à
l'ensemble des citoyens. Il est
légitime qu'ils réclament
des lois qui les protègent enfin
des agressions verbales et physiques dont
ils ont été les victimes
depuis des lustres. Il est légitime
qu'on leur applique aussi, comme à
tous les citoyens, les principes de la
République qui leur ont toujours
été refusés :
"Liberté, Egalité,
Fraternité."
Le "socialement
correct"
Cet éditorialiste
estime qu'on ferait mieux de
dénoncer la misère, le
chômage, les plans sociaux, le
surendettement, l'exclusion. Oui, bien
sûr, il s'agit de maux de notre
société. Mais quel rapport
avec l'homophobie et les homosexuels ? Les
homos ne sont-ils pas concernés
aussi par ces problèmes ? En
sont-ils les responsables ? Il ne s'agit
là que d'un procédé
vieux comme le monde : on accumule une
liste d'évidences pour mieux
crédibiliser sa
démonstration.
L'homophobie est une
vilaine manière.
C'est presque amusant de
constater que les gens qui vivent dans
leur tour d'ivoire et qui n'ont jamais
été confrontés
à la réalité de la
vie sont sourds et aveugles au monde qui
les entoure. "Le peuple n'a pas de pain ?
Qu'il mange de la brioche !",
"L'homophobie ? Une vilaine manière
!".
Que cet éditorialiste sacrifie une
demi-journée de sa vie à
tendre son oreille dans les cours de
récréation ou dans les
quartiers de banlieue, et il pourra
constater qu'on ne fait pas qu'y raconter
des histoires belges ou de
pédés.
C'est au nom de cette vilaine
manière que les nazis ont
envoyé des milliers d'homos dans
des camps où ils ont
été torturés,
castrés et assassinés. C'est
au nom de cette vilaine manière que
l'Europe libérée a
totalement occulté cette
réalité historique et a
méprisé la mémoire
des gays tués par le nazisme et que
les quelques rescapés des camps ont
subi une deuxième humiliation,
celle de se taire et de se faire oublier.
C'est au nom de cette vilaine
manière que des faibles d'esprit
insultent, agressent et assassinent des
gays. C'est au nom de cette vilaine
manière qu'un nancéen a
récemment été
jeté dans le canal où on l'a
laissé se noyer. C'est au nom de
cette vilaine manière qu'on a
immolé par le feu un homme dont le
seul crime était de vivre heureux
et en couple avec son compagnon.
Quand on connaît
cette réalité, on ne peut
pas employer des telles expressions. Il
est temps que des journalistes qui ont une
quelconque influence sur l'opinion
publique ouvrent leurs yeux et fassent
leur métier au lieu de
répéter pour la
millième fois les discours
éculés.
Enfin que cet éditorialiste se
rassure, ce n'est pas une loi qui
sanctionne les insultes homophobes qui
supprimera les blagues de comptoir sur les
pédés. Cette loi ne changera
pas la nature profonde des mâles qui
ne peuvent se rassurer sur leur
virilité qu'en se moquant des homos
ou des femmes. Non. Cette loi doit
simplement cesser de légitimer les
insultes qui poussent aux agressions qui
poussent aux meurtres.