Comme chaque année,
l'association messine Couleurs Gaies a
souhaité s'associer à la
journée nationale de la
déportation en mémoire des
206 Mosellans et Alsaciens
déportés pour
homosexualité par le régime
nazi. A Metz, cette
cérémonie se déroule
chaque année au mémorial
départemental de la
déportation au Fort de Queuleu.
En effet, il ne faut pas oublier que la
Moselle et l'Alsace ont eu le triste
privilège d'être
annexés au Reich durant la
dernière guerre, et à ce
titre, toutes les lois répressives
du régime nazi s'appliquaient dans
notre région. Le fameux paragraphe
175 criminalisait l'homosexualité
et les homosexuels mosellans ou alsaciens
fichés par la police furent
déportés au camp du Struthof
en Alsace. A la Libération, une
chape de plomb s'abattit sur cette
réalité : Les homos
rescapés étaient
condamnés à se taire et
à cacher honteusement les
véritables raisons de leur
déportation pour éviter
d'autres persécutions. Pour les
associations d'anciens combattants,
l'homosexualité était un
sujet de raillerie et ne devait
certainement pas venir
décrédibiliser les
cérémonies
commémorant la
déportation.
Le 25 avril 2004, Couleurs
Gaies avait simplement demandé,
pour la sixième année
consécutive, que le discours
officiel de la cérémonie
cite tous les motifs de déportation
: race, religion, opinion, orientation
sexuelle... Malheureusement, la
déportation pour
homosexualité fut une fois de plus
passée sous silence dans les
discours à travers notre
République, alors qu'en Allemagne
cette reconnaissance est faite depuis de
nombreuses années. Couleurs Gaies a
donc souhaité déposer une
gerbe en mémoire des homosexuels
déportés. A la
préfecture, où la demande en
avait été faite
préalablement, on a estimé
que la présence d'une association
homosexuelle au milieu des associations
d'anciens combattants serait perçue
comme une provocation. On se rappelle les
remous et l'indignation qu'avait
provoqué l'année
dernière un article paru dans le
Républicain Lorrain sur la
déportation des homosexuels. Aussi,
pour la sixième année
consécutive, Couleurs Gaies a
été autorisée
à déposer sa gerbe
après la cérémonie,
une fois que les associations d'anciens
combattants eurent quitté les
lieux. Seul progrès par rapport aux
années précédentes :
le Chef du protocole et un
représentant de l'ONAC (Office
national des Anciens Combattants)
restèrent présents durant le
dépôt de la gerbe de Couleurs
Gaies.
Soixante années
n'auront encore pas suffi à effacer
cet honteux "oubli" des autorités
et des gens bien pensants face à
cette réalité de l'histoire.
La République condamne un fois de
plus une partie de ses enfants à se
marginaliser en leur déniant le
droit au souvenir.